Soigner la rage au XVIIIe siècle
:
D’après les livres sur la rage conservés à la M.A.T
1) Méthode éprouvée pour le traitement de la rage publiée par ordre du gouvernement par M de Lassone, 1776 (cote cabinet Carteron 800)
Il en existe deux versions réunies dans le même volume :
-une version imprimée à Paris par l’imprimerie royale
-une autre imprimée à Châlons chez Seneuze, imprimeur du roi et de l’intendance de Champagne.
Seule la 1ère page diffère.
En introduction on trouve ceci :
« Les détails d’un traitement dirigé sur ce plan furent donnés par M de Lassone que M le Contrôleur général consultait à l’occasion des ravages affreux faits dans plusieurs villages du Mâconnais, par la fureur et les morsures multiples d’un loup enragé ».
On trouve en annexe le nom des victimes et le traitement qui leur a été administré. Cette affaire survenue en 1775 ressemble beaucoup à celle de la louve de Villadin.
2) Dans le même volume on trouve l’ouvrage de François de Sauvages : Dissertation sur la nature et les causes de la rage imprimé à Montpellier en 1769
3) Sous la cote C Cart 535, un petit volume : Observations sur la nature et le traitement de la rage par M Antoine de Portal Yverdon 1779 (publié avec l’approbation de Lassone souvent cité dans l’ouvrage)
Extraits du livre de Lassone
Méthode curative :
« Si la personne blessée est bien constituée et d’un tempérament sanguin, il faut faire d’abord une ou deux saignées du bras ou du pied, après avoir débarrassé les entrailles par quelques lavements laxatifs.
On fera tremper, matin et soir, une heure de suite, les jambes dans l’eau chaude, mais d’une chaleur tempérée, et s’il était possible de plonger tout le corps dans un bain tiède, ce serait encore plus utile.
On lavera longtemps la plaie avec de l’eau tiède chargée de sel marin.
Si la morsure est considérable, si les chairs sont déchirées, hachées, profondément contuses, on fera des scarifications profondes, on séparera les lambeaux ; ensuite on fera les lotions avec l’eau tiède salée, ou ce qui serait préférable, avec l’eau animée par le sel ammoniacal dissous.
Immédiatement après ces préliminaires, on frottera légèrement les bords et les environs de la plaie avec un gros de pommade mercurielle, ensuite on pansera la plaie avec l’onguent suppuratif ou le basilicum.
On doit panser régulièrement deux fois par jour la plaie en renouvelant l’application du suppuratif ou du basilicum, après avoir fait la lotion avec l’eau tiède salée. Mais il faudra réitérer la friction légère avec la pommade mercurielle, à la même dose déjà prescrite qu’une seule fois en vingt-quatre heures.
On aura soin de procurer journellement la liberté au ventre par les lavements simples où l’on aura mêlé une bonne cuillérée de miel commun et deux cuillérées de vinaigre.
Dans l’intention de prévenir sa salivation, on purgera tous les quatre à cinq jours, en faisant avaler une dose de poudre purgative quelconque.
Deux fois par jour, c’est-à-dire le matin et dans la soirée, on fera avaler une cuillérée de vin où l’on aura mêlé 20 à 25 gouttes d’eau de Luce.
S’il y avait trop d’agitation ou d’insomnie, on pourra prescrire un calmant dont la dose serait moyenne.
On engagera le malade à boire fréquemment d’une infusion de fleurs de tilleul et de feuilles d’oranger adoucie avec le miel et acidulée avec le vinaigre distillé ce qui serait préférable.
Si l’on avait à traiter quelqu’un qui ressentît déjà l’aversion invincible ou l’horreur de toute boisson, symptôme ordinaire de la rage confirmée, il faudrait alors faire prendre en lavement un gobelet de la même infusion prescrite ci-dessus.
On ne permettra que peu de nourriture, jamais échauffante et toujours choisie, autant qu’il sera possible dans la classe des substances végétales. Le lait et toutes espèces de laitages doivent être interdits.]
Ce traitement doit avoir lieu jusqu’à ce que la plaie soit guérie.
On doit en général continuer l’usage des frictions mercurielles, du bol antispasmodique, et de la potion avec l’eau de Luce, le tout entremêlé de purgations, comme il a été dit, au moins un mois de suite, pour pouvoir se flatter de prévenir sûrement de la rage.
A plus forte raison doit-on prolonger le traitement pour ceux qui ont été grièvement blessés.
Si malgré les pansements et lotions, les plaies avaient mauvais caractère, alors on prescrirait chaque jour, de deux en deux heures, et plusieurs jours de suite, deux ou trois cuillérée à bouche d’une forte décoction de quinquina ».
Trouvé dans le livre de Portal :
Traitement des plaies :
- sangsues (p 87)
- eau de vie camphrée pour laver les plaies. (p 87)
-onguent de la Mère (p 87)
-styrax (p 87)
-basilicum (p 88)
-onguent mercuriel ( 88)
Faire vomir le malade avec de l’émétique (Lassone préconise également le vomissement)
Bains tièdes
Calmants : camphre, musc, nitre mélangé à du miel
Antispasmodique : opium, musc, cinabre, assa-fœtida, camphre, castoreum
Dans le livre de Sauvages :
Il cite l’usage des « coquilles d’huîtres en poudre subtile et non calcinée, à la dose de quelques scrupules dans une omelette » mais il s ‘empresse de préciser qu’il s’agit d’une pratique « à laquelle le préjugé a donné du crédit propre surtout à rassurer le malade ».
Dans un même ordre d’idées, il cite l’usage de la poudre de pattes et d’yeux d’écrevisses.